Deux heures à modeler la terre et l’instant avec Julie
J’ai poussé la porte de l’atelier Mani, situé rue Ferrari, un mercredi matin pour participer à un cours d’initiation au modelage avec Julie. Elle m’y accueille, le sourire aux lèvres et son éternel bleu de travail sur les épaules. Une habituée est déjà installée à l’un des tours ; une autre, sur la table principale, modèle un soliflore aux formes organiques.
Après m’avoir proposé quelque chose à boire, Julie commence à parler avec passion de ce qui nous réunit ici aujourd’hui : l’argile.
« Il existe différentes méthodes pour travailler la terre… », débute-t-elle en posant les mains sur un pain de grès chamotté. Elle parle sans surjouer, avec une grande douceur, comme si elle racontait un secret à qui veut bien l’entendre.
Très vite, on comprend que ce cours n’est pas qu’un simple atelier. C’est une parenthèse. Une respiration qu’on prend volontiers dans son quotidien parfois stressant.
En échangeant avec les deux habituées, j’apprends qu’elles viennent chaque semaine : « Mes amis sont toujours étonnés que je me lève tôt pendant mon jour de repos pour aller faire de la céramique », plaisante l’une d’elles. Ce qui avait commencé comme un passe-temps est devenu une passion, puis un besoin pour elle.
Pendant deux heures, les participants alternent entre conseils, compliments, rires et silences concentrés, ponctués par le bruit des mains qui façonnent, de l’eau que l’on verse dans un bol et des pains d’argile qui heurtent l’établi. La lumière, douce et diffuse, entre par la devanture vitrée de l’atelier. C’est important pour Julie, la lumière. Elle fait partie de l’ADN de ses créations. Elle le dit souvent : « La lumière, c’est le moral ».
Cette ancienne architecte a posé ses valises à Marseille il y a quatre ans, en suivant son compagnon qui avait réalisé ses études ici. Elle, c’est la nature qu’elle cherchait. Un retour au concret. Et aujourd’hui, dans son atelier de la rue Ferrari, on sent qu’elle l’a trouvée.
Elle y recherche, crée et produit pour des tables réputées de Marseille et des environs. Elle prend plaisir à imaginer leurs plats dans les assiettes qu’elle façonne, mais aussi à penser aux jeux d’ombres et de transparence de ses luminaires : ses pièces phares, au sens propre comme au figuré.
Aujourd’hui, les cours et la transmission font aussi partie intégrante de son travail. Ils lui apportent une nouvelle forme de satisfaction : « Ce que j’aime, c’est quand les gens repartent détendus, apaisés. Qu’ils aient oublié leurs soucis, même deux heures ».
En toute simplicité, ce qui l’émeut, c’est d’avoir fait voyager quelqu’un. D’avoir offert une échappée, un instant suspendu entre deux obligations.
Ce matin-là, moi aussi, je me suis laissée emporter.
Illona Bellier